Le comte Guy du Fresnay, metteur en sccène de films français remarquables, est le beaupère du baron Lionel de La Fontaine. Il habite chez sa fille Mme la baronne de La Fontaine, née Bèrangère du Fresnay. La toute nouvelle villa familiale Addi Ou Addi, est construite en 1930- 1931 dans la Palmeraie, d'après les plans de l'architecte Paul Sinoir, venu dès 1928 à Bou Saf Saf à la demande du peintre Jacques Majorelle et revenu à Marrakech pour s'y établir. C'est encore l'époque du cinéma muet.
A gauche le comte Guy du Fresnay lors du tournage du film Frou-frou dont il est le réalisateur; à droite la villa Addi ou Addi où il a vécu ses dernieres années avant son décès à l'hôpital Maisonnave (Dar el Beida - palais des sultans alaouites) le 20 septembre 1937. On remarquera au revers de sa veste la Légion d'Honneur obtenue pour son engagement comme lieutenant d'Artillerie dans la guerre de 1914-18.
Son père Ange Dufresnay était directeur général des assurances Phoenix et fut annobli en 1883 par le roi d'Espagne, Alfonse XII. Le futur comte Guy du Fresnay avait donc 6 ans lors de cette distinction.
Guy du Fresnay est décédéà la fin de sa 60e année. Ses obsèques eurent lieu le jeudi 23 septembre en l'église paroissiale des Saints-Martyrs du Guéliz, comme l'annonçait "Le Petit Marocain" paru la veille. Il était déjà veuf de Lina son épouse et avait perdu ses deux fils Jehan et François. Ses trois filles Bérangère, Marie Belza, Guilemette et son gendre sont la seule famille qui lui reste.
Guy du Fresnay s'était marié le 1er juin 1901 à Lina (Marie Emelina) Bouët-Wuillaumez. Jehan est décédéà 9 ans en juin 1922. François se marie en février 1928 à une niçoise, mais meurt subitement en juillet 1933, alors qu'il a été décoré de la croix de guerre des T.O.E. médaillé de Syrie-Cilicie.
Le comte G. du Fresnay était un homme cultivé et sensible, ce qui l'a conduit à produire à l'écran des oeuvres littéraires et à mettre en valeur la justesse des sentiments des personnages.
Écrivain lui même, il a publié dès 1912 aux Editions Maurice Bauche un roman La passion de Fred; ainsi qu'un recueil de poésies, Empreintes.
Le poète y fait preuve d'une sensibilité déjà murie, d'une tristesse d'homme qui a déjà vécu, souffert et réfléchi. Nous en détachons trois strophes où il célèbre le plaisir de contempler un jardin et d'en capter les senteurs.
C'est un énivrement de descendre au jardin,
Lorsque a cessé la pluie et que l'orage passe
Quels parfums, doux et forts vous assaillent soudain,
L'âme heureuse du sol se répand dans l'espace.
oooooooooo Tout le jardin est net, clair, vif, verni, luisant;
oooooooooo L'herbe semble de loin un lac d'argent qui brille,
oooooooooo La pluie a fait aux fleurs un ton plus séduisant.
Il monte de partout des parfums comme un choeur !
Avec l'orage et l'eau la chaleur s'est enfuie
Et la terre s'entrouve et jette à l'air son coeur.
Ah! l'odeur de la terre après la bonne pluie !
Le jardin de Addi Ou Addi dans la palmeraie lui offrira seize ans plus tard ce que son poème pressentait.
C'est aussi en 1912 que Guy du Fresnay commence une carrière de scénariste et de metteur en scène aux studios Léon Gaumont.
Il choisit de mettre à l'écran une comédie de Georges Sand, LE DÉMON DU FOYER publiée en 1852. Mais mobilisé sous les drapeaux en 1914, il doit partir pour rejoindre le 50e Régiment d'Artillerie. Il est contraint d'abandonner son projet de film.
Après la guerre, il reprend rapidement le cinéma en réalisant d'abord : LE JARDIN DU PIRATE, avec l'acteur Jean-François Martial suivi la même année 1918 de LA CATHÉDRALE MERVEILLEUSE, un Conte de Noël.
Durant l'année 1920 il va réaliser successivement trois films, à partir de romans.
Un roman de Roland Garros intitulé DE LA COUPE AUX LÈVRES dont il écrit aussi le scénario.
Il le réalise avec pour principaux acteurs: Paul Capellani, Marguerite Madys et Armand Tallier.
Le roman de Jean Rameau, L'AMI DES MONTAGNES, paru en 1907, scénarisé par le romancier est réalisé par Guy du Fresnay avec les acteurs: André Nox, Marguerite Madys, Jean Devalde, Jeanne Brindeau, Marguerite Ninove.
Guy du Fresnay quitte GAUMONT pour rejoindre la Compagnie française des films artistiques JUPITER.
En 1921 il crée lui-même le sénario et réalise LES AILES S'OUVRENT en dirigeant les acteurs: Marie-Louise Iribe (Anne-Marie de Queyras), André Roanne (Dr Fronsac), Genica Missirio (M. Tcherenkoï), Marguerite Madys (Berengère de Queyras), (Marquis de Queyras). On remarquera que l'intrigue se noue autour des amours de deux soeurs, filles d'un Marquis: Berangère et Marie.
Le choix de ces prénoms est un clin d'oeil du réalisateur à ses filles dont les prénoms sont précisément Bérangère et Marie. Genica Missirio est d'origine roumaine et surtout un excellent cavalier.
Ce film est un succès et encourage Guy du Fresnay à poursuivre dans le cinéma. Pourtant il est confrontéà la nécessité d'un partage successoral de biens immobiliers importants : le chateau du Fresnay, héritage de ses aïeux à Sartrouville, entourré de terrains de 65000m2 qu'il aimerait pouvoir convertir en parcelles constructibles, la villa Belza (villa noire en basque) à Biarritz pour ne parler que des sites les plus connus. C'est d'ailleurs à Biarritz qu'il s'éloigne de Paris pour écrire son futur scénario..
L'année suivante, il crée MARGOT d'après la nouvelle d'Alfred de Musset du même nom, parue en 1841.
Introduction du producteur, Les fims Jupiter: Margot fille de fermier est accueillie chez la chatelaine; il y aun beau château, un joli officier et un coeur s'enflamme, celui de Margot. Naturellement l'officier passe auprès de la fleur sans la cueillir, il préfère une dame hautaine, et, Margot pourtant sauvera l'amoureux en se perdant elle-même; puis, dans le désespoir, qui la conduit à la mer, la vie chante avec tous ses appels et Margot aimera plus simplement et se mariera. Tout finit bien et le film est joli, très bien réalisé. Jolis sites, beaux intérieurs, interprétations excellentes. En résumé une très belle oeuvre. Introduction du producteur, Les fims Jupiter: Margot fille de fermier est accueillie chez la chatelaine; il y aun beau château, un joli officier et un coeur s'enflamme, celui de Margot. Naturellement l'officier passe auprès de la fleur sans la cueillir, il préfère une dame hautaine, et, Margot pourtant sauvera l'amoureux en se perdant elle-même; puis, dans le désespoir, qui la conduit à la mer, la vie chante avec tous ses appels et Margot aimera plus simplement et se mariera. Tout finit bien et le film est joli, très bien réalisé. Jolis sites, beaux intérieurs, interprétations excellentes. En résumé une très belle oeuvre.
Il écrit un sénario légèrement différent de l'intrigue originelle et le réalise avec Murray Goodwyn, Gina Palerme, Genica Missirio, Caroly Brown, Berthe Jalabert. L'opérateur est Forster.
Il garde le titre FROU-FROU de la pièce d'Henri Meilhac et de Ludovic Halévy parue en 1869. Il la scénarise pour l'adapter à l'écran et la réalise en 1923 avec de nouveaux acteurs à l'exception de Gina Palerme une artiste très demandée qui joue le rôle de Gilberte "Froufrou". Sa nouvelle distribution comprend aussi Jules Raucourt qui tient le rôle de Henry de Sartoys, Suzanne Talba celui de Louise, George Fairwood incarne Paul Valréas, André Dubosc joue M. Brigard; Zeyorf est le Baron; Millefiori, la Baronne; Berthe Jalabert joue le rôle de Mme de Valréas.
C'est encore l'histoire de deux soeurs: Gilberte Froufrou, sans comprendre l'amour de son mari pour elle, s'étourdit dans la vie mondaine et laisse sa soeur Louise prendre la direction de son foyer. Gina Palerme a donné tout son coeur à l'interprétation. Elle a mis beaucoup de gaîté et de légèreté dans la première partie, et beaucoup d'émotion dans la deuxième. Belle interprétation aussi de Suzanne Talba et de M. Raucourt qui joue avec beaucoup de netteté et d'esprit.
En 1924, il décide d'adapter à l'écran un roman contemporain L'AMI DE LA BROUSSE de Jean d'Esme; il en écrit le scénario mais n'effectue pas la réalisation.
La même année il entreprend de réaliser ARLEQUIN, adapté de la pièce de Maurice Magre, mais il abandonnera ce projet avant même de passer à sa mise en scène.
Guy du Fresnay est confrontéà des questions de partages successoraux dans sa parentèle et notamment sa soeur, ce qui lui prend beaucoup de temps. Il va vendre par petits bouts leur propriété de Sartrouville de 65000 hectares. Avec l'aide de la commune il va créer des rues et viabiliser ses terres. Il délimitera 178 parcelles urbanisées et constructibles. Leur demeure à Sartrouville, le chateau Du Fresnay, sera loué et deviendra un Cours privé dès 1926, le Cours de l'Ermitage !
Il met aussi en location leur villa de Biarritz, la très curieuse Villa Belza ( villa noire en basque). Elle est située sur un éperon rocheux qui s'avance sur l'Océan et offre une très belle vue sur la chaîne des Pyénées.
Il semble que Guy du Fresnay ait pris goût à la gestion immobilière, car il abandonne l'activité cinéma-tographique.
NICE et MARRAKECH: L'année 1928 est celle des mariages de deux des enfants du comte Guy du Fresnay:son fils François du Fresnay se marie en février avec Yvonne Sazias (voir photo ci-contre) fille d'un important transporteur de Nice où les Du Fresnay possèdent la Villa Saint-Philippe.
Sa fille aînée, Bérangère du Fresnay, épouse le 15 juin le baron Lionel de La Fontaine. La bénédiction nuptiale a lieu en l'église Saint-Pierre de Neuilly.
Bérangère du Fresnay est l'aînée de ses deux soeurs. Guy du Fresnay avait finement analysé les relations entre soeurs, notamment quand viennent les passions amoureuses. Il en avait fait le sujet de son film "Les ailes s'ouvrent" mis à l'écran sept ans plus tôt.
Lionel de La Fontaine a ses origines tant paternelles que maternelles en Belgique où il est né le 4 décembre 1898. Lui-même a vécu la guerre de 14-18 dans l'Armée du Roi Albert 1er de Belgique et a reçu les "Médailles militaires et commémoratives Belges". Il habite 63 rue de Malakoff à Paris.
Quel était le prénom du père de Lionel et ses activités ? une recherche plus approfondie serait nécessaire. La mère de Lionel se nommait Yvonne de Posson, son père le baron Arthur de Posson était décédé en 1909 et elle disposait d'une importante fortune. Nous savons qu'elle s'est remariée le 12 mai 1919 à un acteur, artiste de comédie connu sous le nom de scène de Camille Dumény, mais dont le vrai nom était Richomme.
Le Figaro-Modes du 5 mars 1904 lui a consacré une page en couleur où elle apparaît dans une robe magnifique avec son nom de l'époque: Madame de La Fontaine née baronne de Posson.
À la suite de son remariage elle prend le nom de "baronne Richomme de Posson". En 1927 elle construisait l'Eden Music Hall de 800 places à l'angle du Bd Poissonnière et de la rue Saint-Fiacre à Paris.
C'est après le mariage de son fils Lionel en juillet 1929 qu'elle l'introduit dans ses affaires et crée "La société immobilière Wagram" Elle habite 49 rue de Wagram à Paris. On constate qu'elle est aussi propriétaire à Marrakech car en mars 1935 la municipalité de la Ville rouge donne une autorisation de construire dans le lotissement "Richomme de Posson" une Maison indigène de 5 pièces cuisine de 135m2 appartenant à M. de La Fontaine.
L'installation à Marrakech: Ce n'est qu'en mai 1931 que l'on repère le Baron de La Fontaine sur le bâteau Nicolas-Paquet au départ de Casablanca. Il vient de préparer l'installation de sa famille à Marrakech. Il a investi dans des terrains et surveillé la construction et les finitions de la Villa Addi ou Addi. Il rejoint son épouse Bérangère qui va se distinguer au concours international d'élégance automobile au Parc des Princes.
Une anecdote: La reine Marie de Roumanie était en visite officielle au Maroc au début du mois de mai 1933 (photo ci-contre). Ce qui se passait en Allemagne à cette époque était particulièrement inquiétant pour les Roumains et la reine cherchait des appuis. La presse rapporte: "Le 14 mai la Reine de Roumanie a visité les tombeaux Saadiens, sous la conduite de Mr Métérié, l'inspecteur des Beaux Arts; puis Dar Si Saïd, sous la conduite de Si Mammeri, directeur des Arts marocains, où elle assista à un concert de musiques arabes et de musiques berbères. Après le déjeuner à Dar Moulay Ali chez le Général et Mme Catroux, elle visita le Jenaan El-Hartsi et effectua la promenade du tour des remparts en auto. Elle alla prendre le thé, dans la somptueuse habitation, dans la Palmeraie chez le Baron et madame de La Fontaine. Le soir elle a été invitée à la grande Diffa dans le palais du pacha de Marrakech." Ce que la presse ne rapporte pas, c'est que la reine Marie de Roumanie tenait à voir Guy du Fresnay, beaupère de Lionel de Lafontaine pour évoquer Les Ailes s'ouvrent et Margot, deux films où Génica Misserio, l'acteur roumain, avait eu l'occasion d'exprimer ses talents.
Le comte Guy du Fresnay a nouveau endeuillé: Il avait déja perdu un fils Jehan, décédéà l'âge de 9 ans en mai 1922. Il perd cette fois son autre fils François, décédé brutalement à l'âge de 28 ans le 22 juillet 1933. Ce décès laisse une veuve la comtesse Yvonne du Fresnay et une petite fille. Il avait transmis à François son titre de Comte du Fresnay et l'espoir d'avoir une postérité de son nom.
Guy du Fresnay qui lègue sa fortune à ses filles est recueilli à Marrakech par sa fille Bérangère et son gendre Lionel de La Fontaine.
C'est un vieux Monsieur qui aime l'art de vivre des marocains et qui se plait à rencontrer les artistes marrakchis. Le 22 septembre 1937, alors qu'il est hospitaliséà l'hôpital Maisonnave, la vie le quitte. Bérangère n'a pas eu d'enfant, elle est décédée à Marrakech le 7 mars 1946. Lionel de La Fontaine s'est remarié le 8 mars 1947 à Paulette Fronville, veuve Brisepierre.
Nous ignorons si la sépulture de Guy du Fresnay se trouve au cimetière européen de Marrakech.
Les marrakchis connaissent la deuxième madame de La Fontaine, qui portait le nom de Brisepierre et fut longtemps sénatrice représentant les français à l'étranger, mais ne savent pas toujours que la première était la fille du comte du Fresnay. Beaucoup ignorent aussi qu'un pionnier du cinéma muet avait élu domicile dans la Palmeraie de Marrakech dans les années 30. Merci à ceux qui ont connu la famille de La Fontaine et qui pourraient enrichir cet article de compléter par leurs souvenirs dans les commentaires.